[RP] Cogne d'abord, on cause après ! (ft. Minah)

{Minah}

[Une taverne, une ville, un moment]

Mmgrrmpf... Une chope siouplaît.

L'arrière-train de la manchote se laissa lourdement tomber sur un siège tandis que le haut de son corps glissait mollement sur le comptoir. Ainsi vautrée, elle laissa échapper un nouveau soupir. Elle était fatiguée de voyager. En théorie, elle aimait bien. Voir du paysage, critiquer les cuisines étrangères, copiner avec les autochtones, sentir le cheval et dormir dans les granges... Mais quand même. Toulouse-Lorraine, ça faisait long, surtout quand on se farcissait moult détours et haltes inutiles. Il y avait de quoi en avoir plein le dos.

La patte crasseuse aux doigts courtauds se referma sur la chope en bois qu'on lui tendait. Une grosse chope, remplie à ras-bord d'une bière à l'odeur aigre. Minah apprécia. Le tavernier savait causer à son p'tit cœur tout chiffonné.
Lapant bruyamment son breuvage dont le goût s'assortissait à l'odeur, la bestiole promena son regard sur la salle, son plafond bas aux poutres apparentes tachées de graisse et de vieille suie, son mobilier rustique mais entretenu, quelques bouquets séchés aux murs en guise de décoration, et puis surtout la faune locale. Un mec en vert dans fond (il y en avait partout de cette engeance-là, à croire qu'il s'agissait d'une secte), trois marchands qui discouraient de l'envolée du navet au profit de la chute désastreuse du rutabaga, une fille qui gloussait sur les genoux d'un godelureau boutonneux, et bien d'autres encore. L'établissement ne payait pas de mine, sans être miteux, et était animé.

Minah, dans sa ronchonnerie, ne tarda pas à se lasser du spectacle et s'en détourna au profit de quelques miettes de pain qui traînaient sur le comptoir. S'ensuivit un match de soule endiablé entre les « croûteuses » et les « mieuses » avec le quignon en guise de ballon.

… Une belle action de Croûteuse n°2 qui flanque Mieuse n°9 hors table ! Le croûton est envoyé à Croûteuse n°5 qui réception eeeeeeeeet... marque !

Et vlan ! La balle improvisée fut envoyée d'une violente pichenette droit dans l'oreille d'une donzelle à l'autre bout du comptoir !

{Linaelle}

[La même taverne, dans la même ville, au même moment.]

L' andalouse s'était perdue. Et la chose était à souligner car de nature extrêmement rare. Une simple lettre venue d'un ailleurs aux accents étrangers avait suffit à insinuer dans les veines hispaniques un instant de faiblesse. Instant qui avait duré suffisamment longtemps pour lui faire perdre la trace du clan, la trace de l'Ours, sa trace à elle. La sauvage était passée par des phases complètement opposées et qui pourtant tombaient sous le sens. Elle avait d'abord été prise d'un incontrôlable fou rire, dont elle ne savait réellement s'il était de nerf ou s'il était du au fait que sa première réaction avait été de trouver la chose d'un ridicule sans nom. S'en était suivie une colère foudroyante, une crise de panique lorsqu'elle s'était aperçue qu'ils étaient partis sans elle, avant qu'enfin ses miches ne se posent dans la première taverne à sa portée.

Elle avait commandé deux verres, et comme il n'en faut jamais deux sans trois un autre avait suivi, et la même suite qui trouvait à ses oreilles une logique avait amené dans son sillage des tas d'autres breuvages. Ainsi la louve se trouvait bien imbibée, bien qu'encore capable de marcher droit -l'entraînement, il n'y a que ça de vrai-. Les nébuleuses pensées étaient prises de rêveries fantasques qui essayaient d'élaborer les façons les plus douloureuses de tuer le père, de faire revenir la nourrice d'entre les morts ou d'apprendre au frère qu'il était... frère. Les oreilles bourdonnantes tentaient de se défaire du vacarme alentour quand elles furent elles-mêmes perturbées par l'intrusif projectile qui décida de s'y loger. Ainsi les merveilleux songes andalous furent-ils interrompus.

Un long soupire s'échappa des lippes à demi-closes tandis que les azurs quittèrent la mousse d'une nouvelle chope pour se poser sur l'apprentie championne du lancer d'emmerdes. Désireuse de faire cesser le brouhaha pour se faire entendre, la chope fut frappée sur la table et la noiraude, loin d'être en état d'user de ses mielleries habituelles pour intimider et intriguer les gens, de s'exclamer :

« Eh, la poisseuse ! Surveilles tes jouets quand tu fais mumuse parce que le prochain qui m'frôle j'te l'enfonce dans l'gosier. »

Elle n'était pas d'humeur, l'Andalouse, et loin d'elle l'idée ce soir de battre des cils. En réalité, l'alcool aidant, elle prit conscience que d'étouffer des inconnus à coups de miches lui offrirait le salut nécessaire à son sommeil. Rien de tel qu'une baston pour soulager les tensions.

{Minah}

Minah, toute à l'euphorie de cette victoire si fulgurante, mit un instant à comprendre que le but se rebellait. Oh, et que c'était un être humain. Et que pour des raisons plus ou moins valables, ce genre de bestioles n'aimait généralement pas se prendre une miette de pain dans l'oreille.
La crasseuse hésita, la bouche bêtement ouverte.

Elle aurait pu s'excuser. Payer une chope en guise de bonne foi.
Elle aurait pu prendre l'air si con que l'autre se serait vite lassé de lui taper dessus, parce que c'est pas drôle de cogner quelqu'un qui comprend même pas ce qui lui arrive.
Elle aurait pu fuir, ou faire mine de rien. Elle aurait pu faire tout un tas de choses, sensées ou insensées, qui auraient pu lui éviter une peignée. Ou pas.

Évidemment, ce n'est pas du tout ce qu'il se passa. N'a-qu'une-patte se redressa d'un coup et fit face à l'étrangère, si près que ses miasmes devaient filer la nausée, si près que le bec de Philémon-le-grand-duc-avec-un-trou-dedans (son fidèle couvre-chef) devait lui piquer le front.

Ouais ?! Ben j'aim'rai ben voir ça !

Et d'un geste étudié, insolent, elle lui jeta une autre miette de pain.

Elle était sûre de gagner, la Châtaigne. Si les deux belliqueuses n'étaient pas plus grandes l'une que l'autre, Minah avait l'avantage d'être bien plus trapue et costaude. Elle aurait dû se méfier qu'un bras supplémentaire pouvait faire toute la différence, mais l'alcool n'aidait pas à la prudence.

{Linaelle}

La noiraude ne fut étrangement pas surprise par la réaction de la bientôt plus-inconnue. L'animal était aisé à cerner, tout en elle respirait la rébellion, le je-m'en-foutisme et la provocation. Un autre soir, dans une autre ville, la louve aurait certainement tenté de s'en faire une amie, une connaissance tout du moins, à coup de taquineries plus ou moins aimables et de chopes plus ou moins cassées. Elle voyait bien dans ses prunelles que la bestiole ne plaisantait ni ne bluffait, elle aurait presque pu déceler l'amusement au fond de ses iris si elle y avait prêté un peu plus d'attention.

Le ridicule de la situation lui fendit les lèvres d'un imperceptible sourire, et les épaules andalouses se détendirent quelque peu, ravies d'observer la pression qui promettait de se relâcher bientôt. La louve aurait pu jouer de sa lame, elle maniait sa dague avec une dextérité presque affolante, elle se l'était appropriée telle une vieille amie, une extension de ses bras même endoloris. Mais elle n'avait pour l'heure aucune envie d'être minutieuse, ni de tâcher le métal de ses enfantillages. Les lippes ne demandaient qu'à dévoiler les crocs et la belle, ce soir, voulait se prendre des coups autant qu'elle en donnerait. La souffrance physique est la plus belle des délivrances aux maux de l'esprit.

Loin de s'en sentir agacée, l'Andalouse accueillit le projectile avec un soulagement non-feint, sachant la guerre enfin déclarée. Si la noiraude avait pris quelques secondes pour réfléchir à sa réaction, elle aurait certainement arraché le couvre-chef de la bestiole pour tenter de lui trouer le cou avec le bec de son pigeon putréfié. Le résultat n'aurait peut être pas été concluant, mais l'originalité au rendez-vous. Cependant la sauvage éveillée n'avait aucunement le temps de la réflexion, et le genou encore cabossé, sans qu'elle ne le commande, alla se loger dans l'estomac de l'estropiée, la faisant vaciller et éloignant -l'on en remerciera aristote- les insoutenables effluves qui s'échappaient de son gosier.

Oh, l'hispanique aurait pu se fendre d'une parole bien sentie, qu'aurait eu des airs de « Dis-moi la gueuse, auquel de tes membres es-tu la moins attachée ? ». Mais, soyons, sérieux, elle était à peine en état de grogner, enfin.
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{Minah}

N'a-qu'une-patte ne fut pas surprise du coup. Après tout, c'était bien ce qu'elle attendait.
Que le genou soit aussi pointu (mais à quoi pensait le Très-Haut en inventant des trucs pareils ?!), et qu'il se loge si profondément au creux de sa bidoche, en revanche...

Oufff...

Suivi d'un charmant compliment qui commence par un S et finit par un E, avec plein de lettres au milieu (dont le A, le L, le O et le P).

Pliée en deux, Mam'zelle hibou crevé laissa échapper un râle nauséabond. Elle vacilla un court instant, mais se rétablit rapidement. Habituée tant aux rudes corvées qu'à la bagarre, elle avait les pieds bien ancrés à terre et bon équilibre. Tandis qu'elle se redressait, elle eut un regard pour sa compagne de jeu. Les mirettes noisettes étincelèrent. Un sourire édenté vint éclairer sa face brunie par la crasse – de loin, on la prendrait presque pour une compatriote de l'Andalouse.

Minah commençait à s'amuser comme une dingue. Avant que l'autre n'ait le temps de porter un second coup, son unique poing se leva et s'abattit comme une masse en direction du visage de l'étrangère. Puis, sans prendre le temps de vérifier si son attaque avait porté, espérant avoir l'avantage, elle fonça tête la première. Linaelle avait été inspirée en songeant utiliser le bec de Philémon comme arme, car tel était le cas : il y avait longtemps que la hiboutée de la cervelle avait fait du coup de boule au bec crochu sa spécialité.

{Minah}

Si Minah avait espéré mettre rapidement la petite brune hors jeu, elle aurait été déçue. La donzelle ne payait pas de mine, mais semblait aussi coriace qu'elle.
Mais baste. Après tout, la bagarre, c'était comme les voyages. Ce n'était pas le terme (et une hypothétique mais gratifiante victoire) qui importait, mais le chemin parcouru (et les gnons échangés). Tâchons de profiter du paysage.

Voyant une paluche brune se tendre vers le frêle Philémon, N'a-qu'une-patte eut le réflexe de rejeter la tête en arrière pour sauver son précieux couvre-chef, en vain. Pas assez rapide. Pas assez de champ libre non plus : les habitués du coin qui les encerclaient ne laissaient pas assez de place pour se mouvoir correctement, trop inquiets qu'ils étaient de manquer la moindre miette du spectacle. Quand la manchote recula pour sauver son chapeau, on la repoussa dare-dare vers l'Hispanique. Minah se tourna pour agonir le malotru qui la poussait.

Hé ! Va fout' tes putains d'pattes ail... !

Vlan !
Et Vlan !

Une seconde d'inattention qui lui valut deux coups bien placés, qui lui meurtrirent la peau et firent vibrer ses os. Mamz'elle hibou crevé serra le peu de dents qui lui restait et se relança dans la bagarre. Hors de question qu'elle ne riposte pas ! Sans plus de réflexion (pourquoi faire ?), elle lança son poing en avant, encore et encore, visant à peine, en essayant de se souvenir de n'user que de son poing gauche.
Son moignon, à droite, pendait inutilement, tout juste bon à parer. Son point faible. Et il ne fallait pas laisser le temps à l'autre de s'en rendre compte.

La trogne rougie par l'effort et les meurtrissures, le souffle court, pas le temps de respirer. Mais toujours un semblant de sourire, une lueur dans le regard.

{Linaelle}

Une main s'était emparée du couvre-chef à plumes dans l'espoir de l'utiliser contre son propriétaire. Elle n'en eut pas le temps et ne parvint qu'à lui rendre ses souvenirs de volatile en l'envoyant voltiger droit dans le museau de l'un des spectateurs. Sans s'en embarrasser, la louve s'occupe à parer les coups de la sauvage qui ne semble pas sensible à la douleur. Les joues rougies, le front en sueur, la bestiole riposte avec toujours autant de rage, ce qui arrache un sourire aux lippes andalouses.

Les chairs commencent à être meurtries et il ne fait aucun doute que dès demain, elles se teinteront de couleurs bleutées. Le combat bat son plein, ou bat tout court, c'est à se demander s'il est possible pour les deux énergumènes d'y mettre un terme. C'était cependant sans compter sur les badauds agacés aux yeux desquels la baston devait prendre une toute autre tournure...

Sans crier gare, le bougre qui a reçu le volatile en pleine poire décide de se joindre à la fête. Il ne semble pas avoir apprécié le lancer d'objets familiers dans la foule et souhaite en découdre à son tour. Concentrée, l'hispanique ne voit pas venir le coup qui se perd dans ses côtes, lui arrachant un cri de douleur. Encouragé par son acolyte, l'individu avec lequel la sauvage se serait battue si la louve n'avait pas interrompu leurs cris rejoint la partie à son tour.

La violence entraîne la violence, dit-on. Mais c'est contre la bestiole que l'Andalouse souhaite se battre, ce soir, et elle n'a pas l'intention de laisser les gueux lui gâcher le plaisir. Se retournant dans un élan de rage, le poing déjà rougi par les précédents coups va s'écraser sur la mâchoire de l'un des deux hommes, et les lippes de s'ouvrir enfin pour s'écrier «No me toques !*» et la brindille d'être persuadée que le seul remède à la baston générale reste l'alcool, mais que fout le tavernier ?

*Ne me touches pas!

{Minah}

Minah vit fuser un poing et se prépara à l'encaisser, avant de percuter que ce n'était pas celui de l'Andalouse et qu'il ne lui était pas destiné. C'était une grosse paluche d'homme, plus large et plus calleuse que l'écuyère pourrait jamais avoir, hâlée, abîmée, avec des veines énormes. Rien à voir avec la petite patte toute pointue et vicieuse de son adversaire, donc.
La bestiole resta un instant l'air con (une discipline dans laquelle elle excellait), complètement estomaquée. Pas longtemps. Pas le moment de bayer aux corneilles.

Mais.
Mais !

On leur piquait leur baston, nom d'un chien !

D'abord un importun, puis deux, puis trois... Des coups échangés dans tous les sens, sur les deux querelleuses, dans le vide, sans autre but que de s'écraser sur un organisme quelconque. La chicane ne tarda pas à enfler jusqu'à se changer en baston générale, et toute la salle fut chahutée.
N'a-qu'une-patte grogna entre ce qui lui restait de dents. On était en train de lui voler sa bagarre, de lui voler sa camarade de jeu.

Crevures ! Pique-assiettes !

D'un pas, elle vint se placer près de l'Andalouse, rendant les coups à ses côtés.

Une voix empressée, agacée, tentait tant bien que mal de percer par-dessus le vacarme ambiant. Le tavernier, qui adjurait à ses clients d'arrêter de bousiller son mobilier (et le reste de sa clientèle). Sans le moindre succès. La hiboutée de la cervelle l'observa sortir d'un pas précipité de son bouge, pour revenir les bras chargés d'un seau d'eau glacée, qui fut aussitôt déversée sur les belliqueux les plus proches. Comme s'il s'agissait d'une bagarre de chiens. La comparaison était tentante, fallait dire...

{Linaelle}

L'andalouse ne put s'empêcher d'étirer ses lippes en un mince sourire en voyant celle qui était encore son adversaire quelques secondes auparavant se placer à ses côtés. Son geste confirma ses pensées : elle avait apprécié la lutte tout autant qu’elle, et il ne s’agissait plus des miettes de pain provocatrices atterrissant dans la crinière brune. Les coups avaient dépassés ce stade, servant d’échappatoire salvatrice pour tous les trop-pleins emmagasinés par les deux sauvages. Exutoire de colère, de stress peut être ou que sais-je encore, quoiqu’il en soit les gnons leur faisaient du bien.

Et voilà que de parfaits inconnus, des hommes aux allures d’ogres et aux visages placardés d’une expression d’idiotie profonde, souhaitaient se mêler à la partie. Soudain, en l’espace de quelques secondes, le temps de voir leurs énormes paluches fuser de tous côtés, la bataille avait perdu tout son charme et son intérêt. Le sourire satisfait avait quitté les lippes de la louve qui ne rendait plus les coups que par principe, histoire de montrer que cette bataille était encore la sienne, ou du moins l’avait été.

Les prunelles azurées fusaient de droite et de gauche, guettant au cœur du tumulte une quelconque échappatoire. Celle-ci ne tarda pas à se présenter en la personne du tavernier qui, faute de mieux, jeta un seau d’eau sur les importuns qui se trouvaient suffisamment près. Il n’en fallu pas plus à la louve pour saisir le bras amputé de la bestiole et la tirer vers elle. « Venga !* » La taille des deux sauvages qui, soyons clairs, ne méritait qu’à peine le nom de « taille », leur permettrait aisément de se faufiler entre les corps qui se pressaient les uns contre les autres.

Une fois éloignées du tumulte, les miches de l’Andalouve trouvèrent leur place sur l’un des tabourets du bar. L’hispanique interpella le tavernier qui avait cessé de mettre un terme au scandale et lui demanda de servir à quelque chose en leur apportant à boire. Les azurs reportèrent leur attention sur le carnage qui opérait au centre de la taverne et la noiraude releva le menton à l’intention de la bestiole.

« On a donné un sens à leur soirée misérable… »

*Viens !